Tue-tête by Jean-Marie Gourio

Tue-tête by Jean-Marie Gourio

Auteur:Jean-Marie Gourio [Gourio, Jean-Marie]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


– Je me rappelais pas qu’un train c’était aussi long, laissa tomber lourdement la mère, que l’effort de porter une valise rendait avare de bons mots. Le gamin sursauta.

– On aurait pris la voiture, répliqua le père, on aurait pas marché une heure pour trouver la porte avant ! C’est sûr ! La mère alors baissa les yeux et se tut. Elle était responsable du nombre élevé des wagons, elle le sentait, comme elle l’était des vents et des pluies les jours de pêche, des enfants surexcités les jours d’anniversaire, d’un mandat qui n’arrivait pas, du temps qui passe et de la vie qui ne va pas. Ça lui remplissait bien les heures, ces idées d’être responsable de tout. C’est vivre, sans doute en creux, mais partout... alors ? alors rien... le gamin regarda un peu sa mère, heureuse et malheureuse à la fois comme savent si bien le montrer les mères, afficher le bonheur barbouillé de doute, constamment en équilibre entre la chaleur des câlins et l’envie glacée de se foutre à l’eau, pour vous, à cause de vous, sans vous.

Mais là, point d’eau.

Elle regarda à son tour le gamin, et d’un coup, passant par la croisée des regards y entra sans frapper, les mères ont le droit. Ah bravo ! L’enfant frissonna. Mais ! L’image maternelle en visite venait d’apercevoir une étrange étrangère nue, peinardement vautrée sur un tas de caramels sous une étagère vide. VU ! NOM DE DIEU ! Elle se précipita sur elle en criant et en pleurant, SORTEZ DE MON ENFANT ! SORTEZ DE MON ENFANT ! puis elle se laissa tomber à genoux, blême, poignardée dans le dos par la lame effilée de l’idée de cul. Toute cette viande potelée, dans une si petite tête. IL ME TUERA, IL ME TUERA, CELUI-CI ME TUERA, répétait inlassablement la maman en basculant d’avant en arrière, et se mouchant, et se tirant la tignasse, et tapant du plat de la main sur le plancher des idées, et suffoquant, et s’étouffant de trop de bonne peine que sans mâcher elle voulait avaler, gloup, pour s’engraisser du malheur et s’en faire péter le cœur, pour se plaindre de son sort, encore et encore. C’est si bon, cette confiture qui dégouline, et qui passe à travers les trous de la tartine.



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